Des organismes de défense des droits humains manifestent leur hostilité à la visite prochaine du président français dans le pays. Macron est accusé de complaisance envers les rebelles du M23 qui attaquent la RDC dans sa partie orientale.
Emmanuel Macron est attendu en République démocratique du Congo ce vendredi 3 mars 2023 pour une visite officielle. Mais cette visite du président français n’est pas du goût des Congolais submergés par le sentiment anti-français. Certains ont pris d’assaut puis incendié le 28 février dernier le domicile de la star de la musique congolaise Fally Ipupa. Les manifestants n’ont pas supporté de voir l’artiste-musicien s’afficher avec Macron au palais de l’Elysée.
En prélude au passage de Macron en RDC, les organismes de défense des droits humains se mettent déjà en ordre de bataille pour dire non à la présence du chef d’Etat français sur le territoire congolais : « en raison du soutien actif qu’il apporte au président rwandais qui pille, viole et massacre en RDC depuis 1996, Emmanuel Macron n’est pas le bienvenu en RDC », a annoncé le mouvement citoyen Lucha sur son compte Twitter.
Habyarimana
Pourquoi La Lucha est-elle opposée à la visite de Macron en RDC ? Pourquoi cette organisation de la société civile a de bonnes raisons de croire que le président français est un soutien du président rwandais Paul Kagame, parrain du mouvement rebelle M23 qui déstabilise l’est de la RDC depuis fin 2021 ? Il faut remonter à l’histoire du génocide rwandais pour comprendre pourquoi Macron est persona non grata en RDC.
6 avril 1994, deux tireurs d’élites du mouvement rebelle Front Patriotique Rwandais (FPR) que dirigeait alors le général major Paul Kagame, abattent l’avion dans lequel se trouvait le président rwandais de l’époque Juvenal Habyarima. 3 membres de l’équipage, tous d’origine française, font partie des victimes de cet attentat.
En 1997, les familles des français morts dans l’attentat saisissent la justice française. Après avoir entendu plusieurs personnes proches aussi bien de la rébellion essentiellement tutsi que du pouvoir en majorité hutu, le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguyère près le Tribunal de grande instance de Paris lance le 17 novembre 2006 un mandat d’arrêt international contre 9 dignitaires du régime Kagame, ancien hauts cadres du FPR, pour « assassinat en relation avec une entreprise terroriste ». Cette décision du juge français a eu le don de refroidir les relations diplomatiques entre le Rwanda et la France.
Non-lieu
A l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir en mai 2007, un autre juge du nom de Marc Trevidic a été nommé pour suivre ce dossier. Mais l’affaire n’ira pas bien loin. Sous Sarkozy, tout comme sous Macron en passant par Hollande, le nouveau magistrat instructeur va s’employer à torpiller l’enquête de son prédécesseur, dans le but de blanchir le clan Kagame. Bien plus, le 15 février 2022, la cour de cassation a validé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge Trevidic en 2018.
La real politic a donc pris le pas sur la justice. Le gouvernement français a décidé de sacrifier son devoir de justice envers des citoyens français sur l’autel des intérêts géopolitiques et géostratégiques. Pas mal de compagnies occidentales (notamment françaises) exploitent les minerais en RDC que contrôle Paul Kagame par l’entreprise des rebelles du M23. D’où l’estime dont jouit Kagame vis-à-vis d’Emmanuel Macron. C’est d’ailleurs sous et grâce au soutien de ce dernier que l’ex-porte-parole du régime Kagame, Louise Mushikiwabo, a été élue secrétaire général de la Francophonie en octobre 2018. C’est tout dire !
La Gazette du Défenseur