La Croix Rouge a organisé récemment un séminaire de formation sur les droits humains à l’intention des agents de la Division de la Sécurité Militaire du ministère de la Défense. Il s’agit pourtant d’un organe qui traîne une réputation sulfureuse en matière de respect de la personne humaine.
Enseigner le droit international humanitaire aux agents de la redoutable Division de la Sécurité Militaire (SEMIL) ? On dirait apprendre à une poule comment mâcher les aliments. En effet, selon une publication du ministère camerounais de la Défense faite sur Twitter vendredi dernier : « Au total 7 Officiers et 7 Sous-Officiers en service à la SEMIL ont effectué pendant 6 jours un séminaire de formation des formateurs axé sur le DIH(droit international humanitaire, ndlr), sous la conduite des membres de la Délégation Régionale du Comité Internationale de la Croix Rouge (CICR) pour l’Afrique Centrale », lit-on sur le compte Twitter dudit ministère.
Émile Bamkoui
A titre de rappel, le droit international humanitaire est une branche du droit destinée aux parties en conflit et qui oblige ces dernières à respecter les droits humains pendant la guerre. Par exemple épargner les civils pendant l’affrontement armé, protéger les prisonniers de guerre, etc.
En prodiguant ce type de leçons aux agents SEMIL, on est en droit de se demander à quoi elles leur serviront, tant ce service de renseignement de l’armée camerounaise traîne un triste record en matière de respect des droits humains.
D’abord, la SEMIL est dirigée depuis le 17 février 2016 par le colonel Bamkoui Émile Joël. C’est un homme aux mains imbibées de sang et réputé gâchette facile du régime de Paul Biya. En novembre 2008, alors qu’il était chef d’escadron de gendarmerie et commandant du Groupement territorial de Gendarmerie à Douala, Bamkoui Émile a assassiné l’inspecteur de police Mapouro Njifon, après un mauvais partage du butin dans une affaire de trafic de drogue.
Malgré un tel forfait, l’officier de gendarmerie n’a eu droit qu’à une parodie de procès au Tribunal militaire de Yaoundé courant 2009, lequel ne lui a infligé qu’une légère peine de prison de 6 mois ferme. Après cette peine d’emprisonnement (qu’il n’a jamais purgé), Bamkoui Émile va connaître une ascension fulgurante dans sa carrière professionnelle jusqu’à sa nomination à la tête de la SEMIL.
Sous Bamkoui, la SEMIL s’est illustrée par les menaces, les filatures, les arrestations et autres tortures envers les journalistes et cyber-activistes. Le cas du journaliste Mbombock Mbock Matip, directeur de publication de Climat Social qui en août 2020 fut kidnappé à son domicile par les agents de la SEMIL, passé à tabac dans les locaux de ce service secret militaire et jeté en prison. Le fondateur de votre journal a fait les frais de la SEMIL. Enlevé le 23 octobre 2018 après un interrogatoire sur ses liens présumés avec les milieux indépendantistes anglophones, il fut jeté en cellule nuitamment. Même pendant son exil burkinabé, le colonel Bamkoui a envoyé ses agents à Ouagadougou pour l’assassiner afin de taire à jamais ses critiques envers le régime Biya.
Florence Ayafor
Dans le cadre du conflit dans les régions anglophones du Cameroun, la SEMIL est citée dans de nombreux crimes de guerre et de crimes contre l’humanité tels que la décapitation des jeunes filles et des cas d’enlèvement. L’assassinat horrible de la gardienne de prison Florence Ayafor le 29 septembre 2019 a connu la participation d’un agent SEMIL nommé Genesys Kenelly. Ce dernier fait partie de ceux qui, les premiers, ont reçu la vidéo de l’assassinat avec décapitation d’Ayafor. Le même Kenelly est celui qui, sur les réseaux sociaux, a annoncé en exclusivité en septembre dernier la libération de 5 prêtres et d’une sœur religieuse à Nchang, dans le Sud-ouest anglophone du Cameroun.
C’est sans doute conscient de tous ces « chefs d’œuvre » que le Comité international de La Croix-Rouge a cru bon de rôder la SEMIL au respect du droit international humanitaire. Mais sincèrement, à quoi ces enseignements lui serviront-ils tant cet instrument de terreur entre les mains du pouvoir de Yaoundé n’est pas un bleu en matière de violations des droits humains?
La Gazette du Défenseur