Le régime de Kaïs Saïed menace, torture et emprisonne de manière systématique toute les voix dissidentes dans le pays. Le pouvoir avance l’argument de la sécurité de l’Etat pour justifier une telle poussée répressive.
Après l’insurrection populaire qui a chassé du pouvoir Zine Al-Abidine Ben Ali en janvier 2011, les Tunisiens sont en train de revivre l’amère expérience de la restriction des libertés individuelles et collectives sous Kaïs Saïed. Âgé de 65 ans, Kaïs n’est au pouvoir que depuis 2019 et 2 ans plus tard, il a été plébiscité par la jeunesse tunisienne grâce à laquelle il a obtenu 72,71% des voix à l’issue des élections présidentielles.
Mais le constitutionnaliste qu’il est en a sans doute après les droits constitutionnels de ses concitoyens. Militants de l’opposition, acteurs de la société civile, journalistes… Les libres penseurs étouffent de cette restriction des libertés que leur imposent Kaïs et ses hommes. Entre intimidation, menaces et arrestations arbitraires, tous les moyens sont bons pour le régime pourvu qu’il casse de l’insoumis.
Le pic de la répression a été atteint en début de semaine dernière. Le 13 février, le chef du parti islamo-conservateur Ennahda, Nourredhine Bhiri, a été interpellé à son domicile par la police. Le même jour, le directeur de la radio Mosaïque FM, Noureddine Boutar a lui aussi été mis aux arrêts. Son média est accusé de faire une part trop belle à l’opposition. Quelques jours auparavant, d’autres militants politiques, d’anciens magistrats et un homme d’affaires ont été appréhendés par les forces de l’ordre.
Retour à l’ère Ben Ali
Comment comprendre un tel basculement dans le tout-repressif au berceau du « printemps arabe » ? Nul ne peut d’ailleurs en être surpris. En juillet 2022, Kaïs a annoncé les couleurs en soumettant un projet de constitution au référendum. Le projet a récolté 92,3% de votes malgré la faible participation à ce scrutin. La nouvelle constitution permettait au président élu il y a à peine quelques mois, de dissoudre le gouvernement, de décider du projet de loi devant être soumis au parlement, de mettre sur pied un parlement régional après avoir dissout l’Assemblée Nationale en mars 2022. Des pouvoirs exceptionnels vivement dénoncés en son temps par des syndicalistes, des journalistes et des acteurs de la société civile.
Cette dérive autocratique ne suscite pas moins l’inquiétude des organismes internationaux de défense des droits de l’homme. Dans son rapport publié en janvier dernier, Human Right Watch parle du retour à l’ère Ben Ali en Tunisie : « une nouvelle constitution instaure un système présidentiel semblable à celui qu’avait la Tunisie avant le soulèvement de 2011, en concentrant les pouvoirs aux mains de la présidence », a constaté l’ONG de renommée internationale.
La liberté de la presse n’est pas épargnée par les foudres du régime Kaïs. Fin novembre dernier, Khalifa Guesmi, journaliste à Mosaïque FM, a été condamné à un an de prison ferme pour divulgation d’information confidentielles. La Tunisie occupe la 94e place sur 180 selon un classement de Reporters Sans Frontières établi en 2022. En chaque libre penseur, le pouvoir tunisien voit une menace à la « sûreté de l’Etat ». Juste ça.
La Gazette du Défenseur